Jamila Walletin

Née en 1991

Vit et travaille à Strasbourg

www.jamilawallentin.com

Instagram : @jamilawallentin

ses œuvres en vente

Carte d’évasion - Œuvre originale

2020-2021

Œuvre originale. Il s'agit d'une épreuve pigmentaire sur soie.

Format : 100 cm X 168 cm

1300,00€ - Contactez-nous si vous êtes intéressé

Carte d’évasion - multiple

2020-2021

Format de la carte dépliée : 106 cm X 149 cm

Ce multiple est une impression papier blanc 90g pliée comme une carte IGN qui s’ouvre progressivement. Il est plié dans une boite en carton réalisé par l'auteure Jamila Wallentin.

170,00€ - Contactez-nous pour plus de renseignements

Sans titre - original

2022

Format : 70 cm X 130 cm

Epreuve pigmentaire sur papier 200g

560,00€ - Contactez-nous pour plus de renseignements


Sans titre - multiple

2022

Format : 59,4 cm X 42 cm

Epreuve pigmentaire sur papier blanc 120g

Réalisée dans le cadre de l'exposition Parcelles sensibles.

40,00€ - Contactez-nous pour plus de renseignements


Entretien avec Jamila Wallentin

Par Justine Delobel

  • Peux-tu nous expliquer brièvement ton parcours ?

De double culture franco-allemande, je vis et travaille à Strasbourg. Originellement adossée à une pratique du textile avant d'étudier l'archéologie et l'histoire de l'art, j’ai ensuite poursuivi une formation en art-objet à la Haute école des arts du Rhin ainsi qu'à l'Akademie der Bildenden Künste de Nuremberg. Diplômée en 2018, j’ai intégré les ateliers de la ville de Starsbourg, où je travaille encore aujourd’hui. En parallèle de mes recherches plastiques, j’ai intégré l’an dernier le Master critique-essais, écriture de l’art contemporain de la faculté des arts visuel.

  • Quelles sont tes inspirations ? Et qu’est-ce qui motive ta démarche ?

Nourrie d’anthropologie, d’histoire des technologies, d’aventures, et d’archéologie, j’éprouve le besoin, souvent irrésistible, de vérifier les choses par l’expérience. L’étonnement, la curiosité et les rencontres sont mes moteurs de création.

Deux questions apparaissent fréquemment : D’où proviennent les formes ? Et comment se construisent-elles ? Mon travail est souvent le résultat d’enquêtes sur la nature et les significations des choses qui nous entourent.

L’archéologie expérimentale me permet d’explorer des gestuelles et des moyens de fabrication par l’utilisation de techniques ancestrales de fonte à la cire perdue, de corderie, de tannage ou de filage. Les corps sont toujours impliqués, dans la production comme dans la réception des pièces.

J’oriente fréquemment mes recherches autour de savoir-faire et de pratiques vernaculaires. En ce moment, je prépare un projet au Kirghizistan, en juin-juillet prochain, j’y apprendrai les techniques artisanales traditionnelles de la fabrication du Shirdak et de l’Ala-Kiyiz, (feutrage des tapis), un art inscrit sur la liste de sauvegarde urgente du patrimoine immatériel de l’Unesco depuis 2012. Au-delà de sa fabrication, les tapis Kirghiz comportent une dimension rituelle et sociale à laquelle je souhaite m’initier. Les motifs et les couleurs témoignent d’une cosmovision singulière, d’une relation puissante à la nature, à l’univers et au vivant.

  • Dans ta Carte d’évasion, tu évoques un lien entre l’enfance et l’histoire de la Seconde Guerre Mondiale peux-tu nous l’expliquer ?

Il ne s’agit pas directement d’un lien entre mon enfance et la Seconde Guerre Mondiale. Mais c’est la forme que j’ai donnée à l’œuvre qui fait référence aux cartes géographiques imprimées sur sergé de soie ou de viscose, inventée par le MI9 pendant la guerre. J’ai découvert leurs existences dans un ouvrage intitulé Que dit l’artiste ? par Tacita Dean, elle raconte comment son père lui offre une carte d’évasion trouvée suite au crash d’un avion en 1944, lorsqu’il était capitaine dans la 51eme Highland Division et progressait vers la Hollande. J’ai trouvé l’objet très beau et ingénieux. L’impression textile résistante à l’eau, à la boue, à la transpiration est facilement dissimulable sur le corps des soldats. Alors au moment de donner forme au dessin du terrain de mon enfance, la carte d’évasion m’est apparu comme une évidence. Le tissu se prête bien à l’impression de souvenirs, qui parfois ont besoin d’être chiffonnés, pliés, jetés dans un coin, puis repassés, contemplés, et étendus. Et aussi, le rapport charnel avec l’objet est plus spontané avec le textile qu’avec le papier.

Mais maintenant que j’y réfléchis un peu, il y a peut-être aussi un lien plus direct entre le terrain de mon enfance et la guerre. Avant d’être rénovée au début des années 90, la maison était criblée d’impacts de balles. C’est une région qui a beaucoup souffert. En hiver 1944, le front était à moins d’un kilomètre. Juste au-dessus de la colline, un bataillon de rangers Texans littéralement assiégé par l’armée allemande a été libéré par un bataillon de soldats Hawaïens. J’ai grandi avec ces histoires, les vieux qui racontent leurs exploits et leurs souffrances, les éclats d’obus dans les arbres, les casques rouillés, les commémorations. C’était discret, mais c’était bien là.

  • Tu présentes des brindilles comme un alphabet de signes. Y-a-t-il un lien entre cette écriture mystérieuse et la référence au service secret MI9 dans la carte d’évasion ?

Non je n’ai pas imaginé de lien entre les deux. Mais effectivement exposée dans le même espace, une relation s’établit. Mes sculptures et installations sont toujours envisagées comme un ensemble d’idées et de formes qui évoluent en corrélations. J’aime les pièces au sens malléable, qui restent ouvertes à toutes interprétation, que chacun puisse y greffer une image, une sensation, une histoire.

  • Ton travail de manière générale revisite les mythes de l’inconscient collectif dans un travail pluridisciplinaire. Comment établis-tu des liens entre les objets, les images et l’histoire ?

Je m’intéresse aux objets, outils et techniques, qui se situent à la limite de l’oubli, pour les réactiver et interroger cette mémoire chez les visiteurs.

J’utilise beaucoup de formes archétypales dans mon travail, comme des symboles primitifs et universels qui appartiennent à l’inconscient collectif. Ainsi, les pièces constituent le point de départ sur lequel peuvent se greffer diverses images et idées.

Je pense à une série de sculptures : les Incisions, produites par bobinage mécanique de fil de coton, polyester et soie encollée progressivement sur un axe rotatif. L’incision de la forme permet d’en découvrir la genèse : la superposition des couches successives de matières, les couleurs, les rythmes et les tensions. Le mouvement rotatif donne naissance à des formes archétypales parfois anthropomorphes : une momie, une bobine, un fruit, un sarcophage, une graine, une Venus, une géode, une bouteille ?

J’aime la résonance d’objets aux références multiples qui invitent à l’interprétation et se manifestent sous divers aspects.

Prenons l’alphabet d’épines de pins : « Ah, on dirait de petits personnages », « ça me fait penser à l’homme qui marche de Marey », « Tu pourrais faire la graphologie des épines de pins. » « Comme un nouveau caryotype, plein d’anomalies ! » (arrangement standard de l’ensemble des chromosomes d’une cellule.) Je chéris tous ces commentaires spontanés jouant au ping-pong avec le sens de l’œuvre.

  • Qu’est-ce qui t’a interpellé dans la thématique Parcelle sensible ? Quel lien as-tu établis avec ton travail ?

Le terme Parcelle m’a immédiatement fait penser à l’idée du terrain et du territoire, à cet espace représenté sur Carte d’évasion. Un travail qui a agité des souvenirs sensibles et qui a suscité beaucoup d’émotions chez mes frères et sœurs. Car c’est un lieu qui nous a échappé, l’endroit est comme figé dans nos souvenirs d’enfants.

Une parcelle est aussi un morceau appartenant à un tout, et quand j’ai lu l’appel à exposition, j’étais en train de trier méticuleusement les épines de pins, en les classant par formes, taille, mouvement, inclinaisons, épaisseur, etc. Des petits morceaux de forêt qui commençaient à s’organiser en catégories et en ligne.